La controverse récente autour de la statue de David de Pury, place Pury à Neuchâtel a plongé la ville dans la discorde. Pétition pour faire retirer la statue, pétition pour garder la statue, le débat continue de faire rage et ne semble pas voir d’issue acceptable pour les deux camps. Mais qui était vraiment David de Pury, cet homme illustre dont la statue figure sur l’une des places principales de la ville a t-il vraiment mérité cette opprobre ? Retour sur David de Pury, homme d’affaire et banquier (encore un).
Qui est David de Pury ? Un richissime homme d’affaire
Né en 1709 à Neuchâtel, David de Pury est l’un des huit enfants de Jean-Pierre Pury, grand explorateur et géographe, et l’un des trois seuls à parvenir à l’âge adulte. Son père étant souvent absent, le jeune David est élevé par sa mère. À 17 ans, il quitte le foyer familial et se rend à Marseille, à pied, pour apprendre le commerce maritime : nous sommes en 1726. En trois ans et demi, il y apprend les bases de la gestion d’une entreprise maritime, et termine sa formation à Londres. Mais c’est en 1730 que tout bascule. Engagé, cette année-là, par la puissante South Sea Company (SSC), il s’y fait remarquer par un sens aigu des affaires et sa capacité de travail à tel point qu’il accède au monde des notables, y gagne leur protection et s’y tisse d’utiles relations. Il acquiert ainsi la nationalité britannique.
David de Pury s’est installé en 1736 à Lisbonne, une plateforme du mondialisme naissant. Son intérêt va au marché du diamant, non pas au « fabuleux métal » des Amériques, cet or en nette perte de vitesse dans une péninsule qui s’est avérée incapable de capitaliser sur les richesses que ses conquistadors lui expédiaient. En effet, une décennie plus tôt, des diamants ont été découverts au Brésil. Mais en l’État portugais décide, en 1735, d’exploiter ses mines de diamants par le régime de l’affermage, un système de délégation d’exploitation.
C’est le gros lot. En faisant jouer ses relations, David de Pury rachète aux alentours de 1750 l’exploitation des diamants brésiliens au Portugal et en acquiert l’exclusivité. Le bénéfice que De Pury en tire est colossal. Après quoi il s’intéresse au bois précieux et, là encore, y prend ses parts en s’associant à Devismes et Joseph Mellish : tous trois créent une banque qui, de 1757 à 1784, a le monopole du bois au Brésil -en plus de celui du diamant. Pourtant, bien qu’éloigné de Neuchâtel, David de Pury n’en a pas oublié sa ville natale. Non seulement il lui fait don de sommes régulières mais, n’ayant ni épouse ni enfants, il en fera le principal héritier de sa fortune.
Précisément, dans l’hôtel de ville de Neuchâtel trône un portrait de David de Pury. Sobrement vêtu, tandis que son visage reflète la prudence et l’étude, il indique, de sa main droite, une carte, symbole à peine rentré de l’Empire qu’il s’est taillé ; il n’y a pas de « doux commerce » selon la sotte expression de l’un de ses contemporains (Montesquieu), l’économie, à l’instar de la politique, restant une arme de guerre susceptible d’annexer des territoires. Alors que le Libertador (1783-1830) n’est pas encore né, l’Espagne et le Portugal se partagent l’Amérique latine, et le Portugal contrôle le Brésil qui ne se libérera qu’en 1822.
En 1755, le terrible séisme de Lisbonne lui ôte les trois-quarts de ses biens. Mais David de Pury, le protestant besogneux, l’affairiste madré, reconstruit sa fortune, et devient même banquier du roi du Portugal en 1762 et gagne la protection du marquis de Pombal, l’un des hommes politiques les plus puissants du Portugal. La fortune de David de Pury est appréciée en 1776 à 50.000 livres anglaises ou 380.000 écus de France. Elle augmente tant et si bien que, dix ans plus tard, à sa mort, il lègue à Neuchâtel un héritage que nos historiens modernes estiment entre 30 et 600 millions de Francs suisses actuels.
Il meurt en 1786 à Lisbonne, et est enterré dans le cimetière des Anglais.
Une statue en l’honneur de David de Pury à Neuchâtel
Pour honorer David de Pury, la commune de Neuchâtel donne son nom à l’une de ses principales places publiques, construite sur l’ancien delta du Seyon. En 1848, quatre ans après une première souscription publique, la conception d’une statue de David de Pury est confiée au sculpteur Pierre-Jean David (1788-1856, plus connu sous le surnom de David d’Angers), auteur d’une quantité considérable de tombeaux, de monuments, de bustes et de statues. On en confie la réalisation pratique à Quesnel, un fondeur de Paris. À l’été 1855 la statue est inaugurée, et, à la main gauche de De Pury est représenté son testament, lequel porte les mots dont sa ville natale tire sa fortune : « Je donne à la ville et bourgeoisie de Neuchâtel ».
La statue se trouve aujourd’hui place Pury, (Voir sur Google maps).
Controverse autour de la statue
Une ombre extérieure, cependant, noircit le tableau. À l’heure actuelle, la figure de David de Pury s’attire, comme beaucoup d’autres acteurs de l’Europe de l’Ancien Régime et du XIXe siècle, les foudres de personnes l’accusant d’esclavagisme et allant jusqu’à vandaliser la statue. Pourtant, bien que De Pury ait été actionnaire d’une compagnie portugaise dont l’activité reposait, en partie, sur des plantations esclavagistes au Brésil, il n’a été ni négrier ni propriétaire terrain et, de fait, il est donc incorrect de l’accuser d’esclavagisme, ainsi que l’indique le Pr. Bouta Etemad.
En dépit de ces remises à plat, le Conseil communal de Neuchâtel, se décidant à suivre la tempête « Black Lives Matter » d’exportation américaine, prévoit de déboulonner la statue de David de Pury. Devant la résistance suscitée par ce projet, la commune se résout à laisser le monument en place : il ne sera assorti que d’une plaque explicative. Une première, en Suisse.
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